Introduction
En décembre 2018, l’Association Nationale des Etudiants Sages-Femmes (ANESF) a publié une enquête sur le bien-être des étudiants sages-femmes de France. Certains résultats étaient alarmants mais ils ne permettaient pas de connaitre précisément l’état de santé des étudiants à l’échelle locale. (1)
Ainsi nous avons décidé, en accord avec la directrice et l’équipe pédagogique de l’école de sages-femmes de Limoges, de faire notre propre enquête sur le bien-être des étudiants.
L’objectif est de mettre en évidence nos problématiques.
La population étudiée sont les étudiantes sages-femmes scolarisées durant l’année 2018-2019.
L’outil utilisé a été un questionnaire basé sur le schéma de l’enquête nationale et le questionnaire de satisfaction distribuer à l’école. Il comprend l’échelle PHQ-9 qui permet d’évaluer l’état dépressif en calculant un score.(2)
Le questionnaire a été diffusé sur internet via Facebook en format googleforms. Le recueil des données a duré du 26 avril 2019 au 26 mai 2019.
Nous avons recueilli 67 réponses correspondant à un taux de participation de 100% nous permettant d’avoir une excellente représentativité.
Pour l’analyse des données nous avons utilisé Excel.
Nous espérons que cette enquête permettra de réunir aussi bien l’équipe pédagogique que les étudiantes pour travailler ensemble.
Santé des étudiantes
Nous avons commencé par nous intéresser à la santé des étudiantes. Nous avons constaté que plus de la moitié d’entre elles se sentent en « plutôt bonne santé ».
- 1 étudiante sur 7 se sent « plutôt en mauvaise santé »
Nous nous sommes questionnés sur le sentiment d’isolement.
- 1 étudiante sur 5 se sent « plutôt isolée »
Les activités extra-scolaires, comme le sport, l’associatif, la musique et autres, font partie des facteurs permettant d’améliorer leur bien-être. Nous avons 68,7% des étudiantes qui pratiquent une activité extra-scolaire avec la moitié qui y consacre entre 2 et 5 heures par semaine. Parmi les 31,3% qui ne pratiquent pas d’activités extra-scolaires cela est dû dans 60% des cas par manque de temps (Figure 1.).

Le sommeil est un facteur important. 91 % des étudiantes ont en moyenne entre 6 H et 10 H de sommeil par nuit.
- 1 étudiante sur 3 trouve son sommeil « plutôt pas satisfaisant »
Nous avons voulu évaluer la présence de symptômes dépressifs chez les étudiantes, grâce à l’échelle PHQ-9. Cette échelle se base sur la fréquence à laquelle nous avons pu être dérangées durant les 2 dernières semaines, sur l’appétit, la fatigue, la perception de soi-même, la concentration et le comportement. Selon les réponses nous calculons un score qui nous permet de classer la personne dans différents niveaux de dépression.
- 7 étudiantes sur 10 présentent des symptômes dépressifs
Leur score permet de les classer dans différents niveaux de dépression, comme le décrit la Figure 2. qui nous montre les proportions d’étudiantes qui présentent une dépression légère, modérée, modérément sévère ou sévère.

L’utilisation de somnifères représente 10,4 % avec une consommation rare à fréquente. Parmi les consommatrices 4,5% disent que cela est lié à la formation.
L’utilisation de substances psychoactives (antidépresseurs, anxiolytiques, neuroleptiques, stabilisateurs de l’humeur ou thymorégulateurs) représente 16,4 % avec une consommation rare à fréquente. Parmi les consommatrices 20,9 % disent que cela est lié à la formation.
- 3 étudiantes sur 10 consultent un psychologue ou un psychiatre
Parmi les étudiantes qui consultent un psychologue ou un psychiatre, 1 étudiante sur 5 dit que cela fait suite à un événement lié à la formation.
Depuis le début des études de sages-femmes, la consommation de tabac chez les étudiantes concerne 1 étudiante sur 3, la consommation d’alcool 79,1 % et la consommation de drogue (cannabis, LSD, champignon hallucinogène, amphétamine, ecstasy, héroïne, cocaïne, produit inhalé, etc.) 4,5 % des étudiantes.
Vécu des étudiantes dans leur formation
Nous avons souhaité évaluer, depuis l’entrée en école de sages-femmes, s’il y avait plus de stress perturbant négativement.
- 9 étudiantes sur 10 ont davantage de stress perturbant négativement
Nous avons aussi voulu déterminer à quelle fréquence le stress était présent, comme nous le montre la Figure 3.

Nous avons évalué quelles étaient les causes de ce stress depuis l’entrée dans la formation comme les examens, les stages, les relations avec l’équipe pédagogique, la quantité de travail, les enseignements, les problèmes personnels et autres.

- 3 étudiantes sur 5 ont eu envie d’arrêter ou de suspendre leurs études
Seulement 40 % n’ont souhaité ni l’un ni l’autre.
Les raisons de ces envies étaient que les étudiantes ne supportaient plus la formation, elles ne se reconnaissaient plus (61,5 %), ne se projetaient plus (30,8 %), cela ne correspondait pas à leur attente (20,5 %), elles avaient l’envie d’expérimenter d’autres choses (10,3 %), mais aussi par peur de la suite des études, des enseignantes, du stress, de l’angoisse.
- 2 étudiantes sur 5 ne supportent plus la formation
Au sein de la formation, une présence de traitements inégalitaires ou de discrimination est notable.
- 1 étudiante sur 3 a subi des discriminations ou des traitements inégalitaires
Il y a différents types de traitements inégalitaires et de discriminations. La plus fréquente est liée au statut d’étudiant à 79,2 % ; mais aussi à l’apparence à 8,3 %. Cela est aussi lié à leur situation familiale, leur appréciation, leur façon d’être (exemple : réservée), leur caractère et leur tempérament.
Les relations avec l’équipe pédagogique de manière générale sont jugées « plutôt bonnes » par 3 étudiantes sur 5 et « plutôt mauvaises » par 1 étudiante sur 5.
- 1 étudiante sur 3 trouve ses relations peu satisfaisantes avec l’enseignante référente
Les étudiantes trouvent leur relation avec l’enseignante référente en grande partie satisfaisante à 40,3 % et pas du tout satisfaisante à 13,4 %.
Les étudiantes se sentent en grande partie satisfaites de l’accompagnement de l’équipe pédagogique dans le cadre de leurs études à 41,8 %, peu satisfaites à 37,3 %, pas satisfaites à 16,9 % et totalement satisfaites à 6 %.
Nous avons aussi évalué la présence de la maltraitance physique, morale et verbale de la part de l’équipe pédagogique.
- 3 étudiantes sur 5 subissent de la maltraitance morale des enseignantes
- 2 étudiantes sur 5 subissent de la maltraitance verbale des enseignantes
« Les enseignantes ne sont pas pédagogues, sont condescendantes et parfois irrespectueuses dans leur manière de nous parler »
La formation théorique
La majorité des étudiantes trouvent la qualité de la formation plutôt bonne à 70,1 % contre seulement 14,9 % des étudiantes qui trouvent la formation plutôt mauvaise.
Nous avons évalué les sentiments ressentis pendant les cours magistraux, les travaux dirigés, les travaux pratiques et les séances de simulation. Nous pouvons constater que pendant les cours magistraux la majorité se sentent plutôt bien, de même que pendant les travaux dirigés.
« Le pression négative mise par les enseignantes, la peur de mal faire et d’être jugée de façon non constructive, la peur de poser des questions »
Lors des travaux pratiques, 23,9 % ne se sentent pas bien contre seulement la moitié qui se sent bien.
Lors des séances de simulation 29,8 % ne se sentent pas bien, voir même 10,4 % qui ne sentent pas du tout bien contre seulement 41 % qui se sentent plutôt bien.
« Difficulté de s’exprimer, car le stress de mal faire et de se faire engueuler. Pas le droit à l’échec … »
Les causes sont le stress cité à 34,4 %, la peur de l’erreur citée à 37,9 %, la pression mise par les enseignantes citée à 24,1 % mais aussi la présence d’irrespect de la part des enseignantes et le sentiment d’être jugé.

Pour le contenu des partiels écrits, 70,1 % des étudiantes sont en grande partie satisfaites et seulement 14,9 % sont peu satisfaites.
Nous avons demandé quelles seraient les améliorations à faire pour les partiels écrits. Ainsi il y a le souhait de plus centrer les questions sur le futur métier pour retenir les choses importantes et d’éviter les redondances entre les sujets.
« Appliquer les questions et les cours à notre profession. Beaucoup d’informations sont bien pour notre culture générale mais trop poussées par rapport à nos qualifications professionnelles »
La formation clinique
Les stages sont une part importante de la formation, nous avons donc évalué le ressenti des étudiantes en stage.
L’alternance entre période de cours et période de stage est « plutôt satisfaisante » pour 73,1 % des étudiantes et « très satisfaisante » à pour 23,9 %.
Pour évaluer le stress éprouvé en stage nous avons interrogé les étudiantes grâce à une échelle graduée allant de 0 (pas du tout stressé) à 10 (impossibilité d’aller en stage).
- 1 étudiante sur 4 cote son stress à 7/10 en stage
Les causes de ce stress sont multiples : l’arrivée en service, la veille de la première garde, l’urgence pour 59,7 % des étudiantes, l’évaluation pratique à 40,3 %, la réalisation d’un geste technique à 31,3 % de même que pour le commentaire et la signature en fin de garde par l’évaluateur, l’énoncé du raisonnement clinique à 25,4 % et le rendez-vous avec la cadre à 7,5 %. Lorsque l’on souhaite comparer la présence de stress entre chaque promotion on constate que c’est en 3ème année que le stress est majeur, tout comme en 4ème année, ensuite le stress est moins important en 2ème année et en 5ème année.
- 2 étudiantes sur 3 estiment l’arrivée en service comme la cause majeur du stress
Nous avons interrogé les étudiantes sur différents sentiments ressentis en stage.
- La moitié des étudiantes se sentent plutôt de bonne humeur.
- 61,2 % des étudiantes se sentent plutôt contentes d’elles.
- 43,3 % des étudiantes ont le sentiment d’avoir leur sang-froid alors que 41,8 % n’ont plutôt pas de sang-froid.
- 38,8 % des étudiantes se sentent plutôt nerveuses.
- 56,7 % des étudiantes n’ont plutôt pas l’impression que le cumul des difficultés est devenu insurmontable.
- 34,3 % des étudiantes sont plutôt inquiètes pour des choses sans importance.
- 53,7 % des étudiantes n’ont plutôt pas de sentiment d’échec.
- 2 étudiantes sur 3 ont peur de décevoir en stage
En stage, elles peuvent rencontrer des situations marquantes. Les étudiantes sont plutôt d’accord à 19,4 % pour dire que les enseignements les ont accompagnées et soutenues pour gérer des situations marquantes en stage alors que 4,5 % ne sont pas d’accord.
Elles peuvent aussi rencontrer de la maltraitance verbale ou morale mais il n’y a pas eu maltraitance physique.
- 1 étudiante sur 3 subit de la maltraitance verbale en stage
- 2 étudiantes sur 5 subissent de la maltraitance morale en stage
Les lieux de stages qui engendrent le plus de stress et qui perturbent négativement sont la salle de naissance en général, mais plus spécifiquement pour 1 étudiante sur 2 la salle de naissance à l’Hôpital de la Mère et de l’Enfant de Limoges. Pour 1 étudiante sur 5 ce sont aussi les suites de couches à l’Hôpital de la Mère et de l’Enfant de Limoges qui engendrent le plus de stress.
- 1 étudiante sur 3 ne trouve pas les outils d’acquisition utiles pour leur progression en stage
Commentaires libres des étudiantes
Nous avons demandé aux étudiantes les autres points qu’elles souhaitaient soulever par rapport à leur santé, au vécu de la formation, à l’équipe pédagogique, à la formation théorique et aux stages.
« Moral au plus bas depuis le début de cette année, relation avec l’enseignante pédagogique compliquée avec des inégalités, un manque de respect envers certaines de mes camarades dont moi-même, des paroles blessantes, déplacés et parfois vulgaires »
« Être plus soutenue et suivie, l’équipe pédagogique est beaucoup trop stressante, voire méchante parfois »
« Il faut que les cadres de service et que l’école nous entendent et arrêtent de nous faire refaire le stage à cause des appréciations de ces sages-femmes qui sont absolument illégitimes et rabaissantes »
« Certaines sages-femmes abusent clairement de leur pouvoir en stage et ça devient alarmant, c’est inadmissible de rabaisser plus bas que terre des étudiantes sage femmes sous prétexte qu’on ne peut rien dire puisque nous sommes étudiantes. »
« Manque de pédagogie de certaines enseignantes »
« Moralement les études sont devenues plus dures que la PACES, la confiance en soi est descendue plus bas que lors du concours, les moments de tristesse sont plus nombreux, je ne pensais pas cela possible, alors qu’on imaginait notre cursus plus épanouissant vers un métier que l’on rêvait »
« Mes amis et ma famille m’ont vu changer énormément, me disent complètement stressée et renfermée, j’ai l’impression de ne pas du tout être accompagnée moralement »
« Arrêter la pression surajoutée pour rien par les sages-femmes et les enseignantes »
Propositions des pistes d’amélioration
Grâce aux résultats de cette enquête nous pouvons dégager plusieurs problématiques qui correspondent aux différents partis de cette étude, du fait de certains résultats peu satisfaisants.
Les problématiques et axes de travail sont :
- L’amélioration de la santé de l’étudiant
- L’amélioration de la formation théorique
- L’amélioration de la formation clinique.
Nous avons demandé aux étudiantes quelles seraient les améliorations à faire via des commentaires libres.
Les propositions d’améliorations à faire au niveau de la formation théorique :
- Cibler davantage les cours.
- Plus d’humanité, plus de respect, plus de pédagogie de la part des enseignantes.
- Cours et TP qui suivent les recommandations de la HAS.
- Accès à la salle de simulation.
- Plus de pratique.
- Partiels écrits plus en cohérence avec les compétences des sages-femmes.
Les propositions d’améliorations à faire au niveau des stages :
- Une sage-femme référente/ maître de stage.
- Plus de bienveillance de la part des professionnels.
- Proposer aux professionnels des séances de formation à la pédagogie.
- Avoir une petite salle à l’HME avec un micro-onde pour ne pas manger froid et dehors.
- Rémunération plus précoce ou d’indemnisation kilométrique plus précoce.
- Assurance d’être logé sur les terrains de stage.
- Respect de la feuille de choix des lieux de stage.
- Interdire certaines sages-femmes de superviser des étudiantes.
- Stage intégré plus long en 5ème année et avec le lieu de son choix.
- Améliorer les outils d’acquisition en stage.
- Accès à un psychologue/ accès à des séances d’analyse de pratique (avoir des professionnels qui connaissent notre métier et nos études)
Conclusion
Cette étude a permis d’interroger toutes les étudiantes de l’école de sages-femmes de Limoges sur plusieurs thématiques.
Nous pouvons conclure que nous avons pu dégager nos problématiques, qui sont l’amélioration de l’état de santé des étudiantes, l’amélioration de la formation théorique et de la formation clinique.
Nous souhaitons ouvrir un dialogue entre les enseignantes et les étudiantes pour travailler ensemble sur le déroulement des études au sein de l’école de sages-femmes de Limoges.
Par l’Amicale Corporative des Etudiants en Maïeutique, Médecine et Pharmacie de Limoges (ACE2MPL)
Réalisé par la Vice-Présidente en charge de l’ANESF 2018-2019 de l’ACE2MPL, Cassandra Ouab.
En tant que maman d’une ancienne étudiante sage femme, il y a aussi des dommages collatéraux dans l’entourage proche liés au sentiment d’impuissance à aider son enfant dans les cas de harcèlement moral évoqués, du mal être face à la déprime et les pleurs.
Ma fille a subi au cours de ses 3eme et 4 ème année la méchanceté gratuite de sa référente et les sarcasmes des sages femmes titulaires lors de ses stages. A du refaire un stage non validé en lieu et place d’une semaine de repos, et cela en garde de nuit…sans compter le sujet du rapport de fin d’étude qui a été modifié 2 fois… vraiment 2 sales années mais elle a tenu le choc grâce à sa volonté et son courage.
Elle nous a cependant prévenu qu’elle n’exercerait probablement pas ce si beau métier très longtemps tellement que travailler avec des personnes si mauvaises l’a traumatisé….
Effectivement il est très difficile de soutenir objectivement son enfant avec un fonctionnement autant irrationnel, injuste et destructif ….